Pierre Soulages

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Sous la direction de Pierre Encrevé et d’Alfred Pacquement.
Catalogue de l’exposition du Martin-Gropius Bau, Berlin, Allemagne, du 2 octobre 2010 au 17 janvier 2011.

Textes en langue allemande de Hans Belting, Yve-Alain Bois, Pierre Encrevé, Alfred Pacquement, Serge Guilbaut, Bernard de Montferrand, Alain Seban, Joachim Sartorius, Gereon Sievernich, Hans-Ulrich Obrist.

 

Traduction de l’ntroduction de l’entretien avec Hans-Ulrich Obrist (original en allemand)

Par son œuvre multidimensionnelle, qui croise une réflexion sur la peinture avec une approche singulière de l’architecture et de l’espace, Pierre Soulages continue d’inspirer de nouvelles générations d’artistes. Depuis quelques années, le lien qu’il a forgé entre la peinture et l’architecture a pris une importance particulière pour nombre d’artistes – d’Ai Wei Wei à Olafur Eliasson – qui ont étendu la sphère de leurs activités au domaine architectural.

Dès les tout débuts de sa pratique. Soulages a pensé la peinture dans sa relation à l’architecture. Non seulement il « se libère de la peinture pour tendre vers l’architecture », mais il traite la peinture en tant qu’architecture, « fixant » ses œuvres avec des câbles tendus entre le  sol et le plafond, travaillant exactement comme un architecte dans une architecture. « Si vous accrochez une peinture au mur, explique-t-il, elle fait fonction de fenêtre. Mais fixée par des câbles, elle devient elle-même un mur. » Ainsi exposées, ses peintures créent un nouveau mode de présentation, un nouvel espace, elles ouvrent des horizons nouveaux pour les multiples artistes contemporains qui, dans leurs installations, s’interrogent sur la relation entre l’œuvre d’art et son espace d’exposition et sur son statut en tant qu’objet.

Depuis 1960, Soulages habite la maison qu’il a dessinée à Sète, dans le sud de la France, avec son épouse Colette. Parmi ses influences, il cite Mies van der Rohe, mais aussi ce que l’architecte français Étienne-Louis Boullée appelait une « architecture enterrée », dans laquelle les éléments qui dépassent du sol devraient nous permettre d’imaginer ce que la terre nous cache. « Une architecture que l’on ne voit pas, je trouve cela merveilleux », déclare le peintre. « De même, quand on regarde ma maison, on voit très peu de traces humaines. » On pourrait d’ailleurs étendre cette remarque à sa peinture.

Autre projet architectural auquel Soulages a participé: la création de vitraux pour l’église abbatiale de Conques, à Rodez. Travaillant dans et avec l’architecture, il a voulu exprimer le passage du temps à travers la lumière. « La lumière que je souhaitais, je l’ai finalement trouvée», explique-t-il à l’historien médiéviste Jacques Le Goff. « C’est la lumière naturelle mais transformée, transmutée, elle a une intériorité, en accord avec ce lieu admirable, propice à la méditation ou à la prière. […] C’est ce qui m’a fortement impressionné dans cette aventure : créer pour un tel lieu une matière qui marque l’écoulement du temps est une rencontre qui a un sens profond et qui a beaucoup compté dans la suite de mon travail [1].»

Aujourd’hui, Soulages donne naissance à un « musée vivant », construit à Rodez, où 500 m2 seront exclusivement réservés à des expositions temporaires. Le Musée Soulages, explique-t-il dans cet entretien, « sera fondé sur cette manière de penser un art sans projet, ouvert à l’accident, à ce que l’on ne connaît pas ».

1  Pierre Soulages et Jacques Le Goff, De la pertinence de mettre une œuvre contemporaine dans un lieu chargé d’histoire, Toulouse, Le Pérégrinateur, 2003, p. 18.

Auteur(s) : Encrevé, Pierre / Paquement, Alfred / Collectif
Éditeur : Éditions du Martin Gropius Bau et Hirmer, Munich. Parution : 2010
ISBN: 978-3-7774-3321-9