Soulages, Galerie Alice Pauli, le catalogue

Catalogue édité à l’occasion de l’exposition Pierre Soulages. Peintures 2008 – 2012 à la Galerie Alice Pauli à Lausanne, du 26 avril au 21 juillet 2012, achevé d’imprimer le 12 avril 2012 sur les presses de NonStop Printing à Athènes 

Texte Éric de Chassey : « Pierre Soulages, peintre expérimental ».

Extrait de l’introduction

Pierre Soulages, peintre expérimental.

On a pris l’habitude de considérer Pierre Soulages comme un des derniers « grands artistes classiques ». Il est vrai que sa peinture est à l’occasion caractérisée par la recherche de l’équilibre, de l’harmonie et d’une forme de perfection qui produisent chez celui qui la regarde un sentiment de sérénité et de plénitude qui est la marque du classicisme, voire d’une forme d’atticisme. II est vrai aussi qu’elle paraît aujourd’hui s’insérer tranquillement dans une histoire longue, qui fait de lui l’héritier d’une tradition continue dont il serait peut-être le dernier porteur de flambeau, depuis Poussin ou même Fouquet. Et l’artiste lui-même a souvent raconté comment Picabia lui répéta et lui légua en 1947 les mots que Pissarro lui avait confiés (« Avec l’âge que vous avez et avec ce que vous faites, vous n’allez pas tarder à avoir beaucoup d’ennemis ! »), façon de franchir d’un seul coup plus d’un siècle – ce qui n’est pas peu à l’ère du rétrécissement présentiste que nous vivons. S’il est une tradition pourtant à laquelle appartient Pierre Soulages, c’est bien plutôt celle d’une certaine intranquillité, où l’on retrouve les noms qui viennent d’être cités et quelques autres, comme Manet, Cézanne ou Matisse, aussi bien que ceux de Guillaume d’Aquitaine, Jean de la Croix ou Mallarmé. Le classicisme pas plus que le lien à une certaine tradition n’ont été chez lui un but recherché : ils sont le résultat d’une part de ce que son oeuvre se développe aujourd’hui depuis des décennies et qu’elle a donc fini par nous sembler historique, et d’autre part de moments de résolution qui ne sont en fait, à bien y regarder, que des moments provisoires, aussitôt défaits et relancés. Car Pierre Soulages est un artiste moderniste, non pas au sens figé et prédictif que revêt la caricature de ce terme, mais au sens vivant qui correspond au projet énoncé succinctement par la devise qui figura sur le papier à lettre de Manet (notamment sur un billet envoyé à Mallarmé pour son soutien après le refus du Salon de 1874 d’accepter deux de ses tableaux) : « Tout arrive » (entendons : chaque instant est celui de l’imprévu et d’un travail qui ouvre de nouvelles possibilités). Cela explique pourquoi, sans que cela l’empêche d’être parfois classique, il est d’abord un grand peintre expérimental et continue de faire de chaque tableau une expérience spécifique, à la fois pour son auteur et pour son spectateur. Peut-être serait-il d’ailleurs temps qu’au lieu de chercher à montrer d’abord sa maîtrise on mette en valeur ses expérimentations, la part la plus expérimentale de son travail, particulièrement vive ces dernières années.

[…]

 

Tous les portraits de Pierre Soulages et les photographies des œuvres ont été réalisés par Vincent Cunillère, Sète. Page 15 et page 45 : photographies de Georges Poncet, Paris.

Auteur(s) : De Chassey, Éric
Éditeur : Galerie Alice Pauli. Parution : 12/04/2012
ISBN: 978-2-8399-1032-3