Pierre Soulages, gouaches et gravures.

1957 oct Berggruen et cie PAris VII Soulages4

Éditée à l’occasion d’une exposition de gouaches et gravures de Soulages organisée à la Galerie Berggruen avec le concours de la galerie de France, cette plaquette, la vingt-troisième de la collection Berggruen, a été achevée d’imprimer en octobre 1957 sur les presses de l’Imprimerie Union à Paris pour la typographie et dans les ateliers de Daniel Jacomet pour la phototypie et les pochoirs. La couverture, d’après une gouache de l’artiste, a été réalisée par Mourlot Frères. Le tirage a été limité à mille cinq cents exemplaires.

Les gravures à l’eau-forte que nous avons reproduites aux pages 19 et 21 ont été éditées chez Lacourière, les autres gravures et lithographies ont paru chez Berggruen et Cie.

 

Texte de Roger Van Gindertael :

La meilleure définition de l’œuvre de Soulages est celle qui, pour lui-même, donne son sens à la peinture : une expérience poétique — ou, avec plus de précision, la forme personnelle qu’il a donnée à l’unique expérience poétique entendue comme aventure essentielle, à la fois active et consciente, de l’homme dans le monde. La peinture de Soulages n’est pas autrement définissable ni réductible à quelque description analogique, puisque — « non-figurative » — elle n’introduit aucun rapport de terme à terme avec la nature et ne renvoie, d’aucune façon, à quoi que ce soit d’extérieur à elle-même.

Cette œuvre qui s’est imposée tôt et très fortement, a suscité moins de commentaires que d’adhésions. Son efficacité n’est pas de celles qui entraînent la discussion et les mises en question. Sa puissance exceptionnelle agit comme par fascination, elle exalte et inspire.

Une conviction lucide mène Soulages depuis ses débuts, sans détours sinon dans le secret de son for intérieur auquel il ne donne pas accès, car personne autant que lui ne répugne aux attitudes romantiques et aux confidences d’état d’âme. Soulages entend bien plutôt rattacher, voire au plus aigu de « l’actualisation » de la peinture, une permanence de celle-ci à la constance et à l’identité de la nature humaine et de l’esprit humain. Ainsi son œuvre dont le style quasi monolithique est frappant, a pu poser « d’un bloc », dans la fluctuante diversité de l’art actuel, un jalon d’une fermeté et d’une fixité exemplaires. Mais l’impression de stabilité et d’immuabilité que donne la peinture de Soulages s’accorde avec le frémissement et la chaleur d’une puissance vitale intense qui anime chaque affirmation fixée par l’acte créateur sur le tableau. Il n’y a pas d’autres explications que cette conviction et cette vitalité à la portée d’inspiration de cette peinture et à la communicabilité du monde qu’elle signifie et telle qu’elle le signifie, en d’autres mots: à la réalité sensible de « l’imaginaire » formé par le dynamisme de Soulages.

Nous pouvons remarquer encore que la certitude du peintre s’étend à la vérité de ses moyens d’expression dont il respecte toujours impeccablement les déterminations catégoriques, s’il enrichit sans cesse son œuvre de leurs ressources homogènes et de leurs sollicitations naturelles, sans jamais les confondre, qu’il choisisse de s’exprimer sur le mode pictural ou sur le mode graphique. Aucun subterfuge technique, jamais, ne lui vient en recours pour assurer la continuité d’un style dont l’unité est constamment maintenue par la seule affirmation d’une poétique qui est bien l’une des plus assurées et des plus vivantes – je voudrais écrire : existantes — de notre temps.

R. V. GINDERTAEL

 

1957 oct Berggruen et cie PAris VII Soulages

Auteur(s) : Gindertael, R.V. & al.
Éditeur : Berggruen & Cie. Parution : 01/10/1957