Soulages, la peinture. Poétique de l’accident

1

La peinture de Pierre Soulages est d’une grande maîtrise technique et en même temps, elle semble souvent rechercher le point de rupture, l’accident, qui la fait basculer dans l’aventure créatrice et la découverte. Comment Soulages peut-il à la fois vouloir l’accident et chercher la maîtrise technique dans un minimalisme rigoureux qui devrait définitivement l’écarter ? Quelle ruse, quelle stratégie met-il en place dans cette aventure de l’accident ?
On peut identifier différentes formes d’accidents dans son œuvre : l’accident en gravure lorsqu’il troue la plaque de cuivre, l’accident de la démarche lorsqu’il découvre l’Outrenoir en peinture en 1979, l’accident du chromatisme dans ses vitraux de Conques, ou encore l’accident de surface qui anime ses toiles et fait vibrer la lumière.
Cette poétique de l’accident de Pierre Soulages est décrite à partir de trois sources entrelacées: la conception chinoise de l’effet dans l’œuvre du philosophe François Jullien, le concept d’exemplification dans Langages de l’art de Nelson Goodman et le concept de différence intensive chez Deleuze dans Différence et répétition. Dans cet usage heuristique de l’accident, exemplifié et amplifié, « ex(a)mplifié » donc, c’est une conception renouvelée de la liberté créatrice qui apparaît chez Soulages.

Né en 1960, Henri Darasse a une double formation, artistique et philosophique.
Diplômé de l’école des Beaux-arts de Toulouse en 1983 (DNSEP), il participe au groupe toulousain Peinture Immédiate. Depuis 1995, il peint uniquement au rouleau et pratique une abstraction « décorative » dans la lignée de Matisse, Hantaï et Viallat. En 2002, il crée le groupe Décor Actif avec Amédée Poujol et en 2011, il présente ses « rouleaugraphies » au Château d’Assas au Vigan.
Après deux années de résidence à Rome en 1985 et 1988 pour la peinture, il reprend des études et obtient une Licence d’Histoire de l’art en 1990 et un DEA de philosophie en 2003. Agrégé de Philosophie en 2004, il enseigne actuellement au Lycée Paul Valéry à Sète. Chargé de Cours à l’Université Paul Valéry à Montpellier de 2000 à 2005 en Esthétique et théorie des formes, sa réflexion porte sur les processus de création par « ex(a)mplification », c’est-à-dire en cultivant une tendance accidentelle exemplifiée. C’est dans la peinture de Pierre Soulages qu’il trouve la meilleure illustration de cette démarche.

Lire des extraits

Auteur(s) : Darasse, Henri
Éditeur : Lucie éditions, Nîmes, France. Parution : 03/2014
ISBN: 978-2-35371-372-1 Références : 85659